La majorité des bières artisanales françaises modernes se ressemblent.
Gustativement.
Certes, on trouve des produits plus réussis que d’autres, des brasseur-se-s plus techniques que d’autres.
Certes, on trouve des ovnis qui brassent avec du cassoulet, des explorateur-ice-s qui jouent avec des levures indigènes ou des nostalgiques avides de techniques ancestrales.
Certes, on trouve des bons gros stouts bien lourds, des sours fruités rafraichissants, ou des milkshake houblonnés à faire péter ton taux de glycémie.
Mais ça reste une minorité, dont la clientèle de niche est très spécifique.
Je persiste, la majorité des bières se ressemblent.
Pourtant, elles se vendent toutes.
Mais pourquoi ?
Quelles dynamiques se cachent derrière ?
Dans les discussion, sur les réseaux ou dans la presse, une question revient souvent : y a-t-il trop de brasseries ?
À ce jour, Emmanuel Gillard en comptabilise 2394, réparties sur tout le territoire.
Depuis 2020, alors que sa consommation de bière par habitant est l’une des plus faibles d’Europe, la France en est le premier pays en nombre de brasseries, devant le Royaume-Uni et l’Allemagne (source : Brewers of Europe).
Avec une évolution si rapide et une telle densité, la probabilité de rencontrer des bières qui se ressemblent gustativement est donc énorme !
D’autant plus que le gros du marché peut sembler serré : entre les adeptes inconditionnels du blanche-blonde-ambrée, les beer geeks à la recherche de la dernière dinguerie et la majorité silencieuse qui tape dans les bières de soif claires et faciles à boire, les IPA et les bières fortes, les places sont chères !
On peut alors légitimement penser que ce nombre va se stabiliser et la diversité de bières augmenter.
D’autant plus que l’écosystème est encore jeune, le marché mouvant et les goûts des consommateurs n’ont pas évolué aussi rapidement.
Mais ce n’est pas ce qui se passe.
Chaque été, les brasseries se font atomiser.
Chaque été, elles sont ruptées.
Et pourtant, les clients en redemandent !
Pourquoi alors, malgré un public relativement homogène dans ses goûts, des bières relativement similaires, et un risque accru de rupture, sommes-nous si attachés à une bière plutôt qu’une autre ?
Tout simplement, parce qu’on n’achète pas qu’un goût.
Une première explication tient en un mot simple : le territoire.
On achète la bière “de chez nous”, “de notre coin”.
De la même façon qu’on va acheter les légumes du maraicher local ou le pain à la boulangerie du quartier.
La majorité des brasseries écoulent d’ailleurs leurs produits dans une zone géographique restreinte, sans se marcher les uns sur les autres.
Par exemple, en décembre 2021, il y avait 51 brasseries dans le Finistère, ce qui en faisait le 6ème département français en nombre de brasseries.
Je pense en avoir testé moins de la moitié…
En fait, je n’ai testé pratiquement que celles qui sont distribuées dans les commerces où je vais.
Car, en plus d’être brasseur, je suis aussi un consommateur lambda.
Et l’extrême majorité des consommateurs consomment la bière de chez eux, qui leur ressemble.
Au-delà du territoire, on achète aussi une atmosphère.
On adhère à l’esprit de la brasserie, à ce qu’elle dégage, à ce qui résonne en nous.
On adhère à son identité.
C’est ce qui explique, à mon sens, pourquoi on consomme aussi des bières produites dans une autre région.
On achète la tradition rassurante des brasseries à l’ancienne ou l’innovation excitante des aventuriers modernes.
On achète l’esprit rebelle et mutin de Tri Martolod, le mélange Italie/Canada de Merlin, ou les canettes venteuses d’Aerofab. On achète les expériences brettées de l’Effet Papillon, comme les produits de la ferme de Natural Mystick.
Selon nos goûts et ce qui nous touche.
Tout le monde peut trouver chaussure à son pied.
Il existe donc forcément une brasserie à laquelle tu peux t’identifier
Et si ça n’est pas le cas, tu sais ce qu’il te reste à faire.
Tu l’auras compris, je pense qu’il reste encore de la place pour s’installer, surtout à très petite échelle.
Je crois que l’on est encore loin de la saturation.
À deux conditions cependant :
Mais créer des bières uniques ne fait pas partie du ticket d’entrée.
Qu’en penses-tu ? C’est comment dans ton coin ?