La bière artisanale, c’est un putain de terrain de jeu.

Avec des règles, certes.

Mais surtout des opportunités incroyables.

1. Zéro limite

Eau, malt, houblon, levure. Quatre ingrédients de base.

Et pourtant une infinité de possibilités.

Quel étrange paradoxe.

Comme si les contraintes étaient indispensables dans un processus créatif.

Et j’adore ça.

J’adore réfléchir à des problèmes, chercher le pourquoi, comprendre les règles sous-jacentes derrière chaque étape.  

J’adore jouer avec les limites du process pour viser des équilibres de saveurs et de textures.

J’adore le niveau constant de challenge que ce métier apporte.

On peut toujours créer quelque chose. Volontairement ou par erreur.

On peut autant brasser un truc simple et consensuel que sortir une prouesse technique et gustative.

J’adore aussi la flexibilité que ce métier permet.

Parfois, c’est juste de faire un truc simple.

Un malt, un houblon, une levure, la flotte du réseau. Point.

Pas une bombe aromatique qui te sature les narines, ni un gâteau épais qui te pèse sur l’estomac. Pas une bière flotteuse et sans caractère, ni un brouillon fait à l’arrache, au feeling total.

Non. Un truc équilibré, propre.

Une bière qu’on saura faire, parce qu’on a les compétences, l’expérience et le matos adapté.

Une bière qu’on prend plaisir à brasser, parce que tout roule. Aucun accro, l’impression d’avoir passé une journée fluide et reposante.

C’est ça la liberté que je veux.

Celle de choisir la facilité et me laisser porter par ma journée.

Celle de choisir mes difficultés au moment ou je veux me challenger.

2. Liberté

Laisse-moi te parler d’une expérience pour illustrer mon propos.

Fin 2020, on a sorti un stout à la dulse sauvage.

La dulse, c’est une algue rouge, très forte en goût.

On voulait raconter une belle histoire en travaillant les produits du coin, avec une vraie recherche d’équilibre de saveurs.

Un matin de mai, j’ai rejoint le récoltant sur l’estran. Un pécheur à pieds. C’est un mec passionné, qui passe ses journées dans l’eau, au rythme des marées, qu’il pleuve, qu’il vente ou qu’il neige.

Neuf mois dans l’année.

Tout ça pour récolter des algues.

Il m’a accueilli dans son univers, m’a fait crapahuter dans la flotte pour goûter des trucs salés que personne ne connait.

Je suis né à Brest, j’ai grandi à Brest, mais je n’avais jamais mangé ça !

Ca a été une grosse claque.

Tu sais, quand tes pupilles se dilatent, que tes tripes s’emballent, que tu sens que tu viens de découvrir un truc incroyable ?

J’étais comme un gamin.

Cette bière, on l’a bichonnée. On l’a construite autour de la dulse. On a choisi une palette maltée très variée pour accompagner ses saveurs. Comme le sommet d’un château de cartes fragile, on a construit des étages intermédiaires pour consolider cette structure.

Et le résultat est fabuleux.

Pourtant, je ne sais pas dans quel style la classer. Un stout ? Oui, mais elle est beaucoup plus minérale et digeste. Et cet équilibre dulse-chocolat-grillé ?

Mais je m’en fous.

Parce que c’est l’histoire de cette bière qui est importante, pas la case dans laquelle on la range.

3. Consolidation

Et je te parle de construction de recettes là.

Mais c’est encore plus grand que ça.

Aujourd’hui, la quantité d’acteurs qui gravitent autour de l’écosystème brassicole est énorme.

Le terrain de jeu s’est aggrandi, ouvrant des opportunités fantastiques.

On parle de malteries locales. De structures organisées dès le champ.

On parle de houblonnières locales. Où acteurs privés et coopératives collectives essayent de développer deux modèles bien différents.

On parle même de levureries artisanales.

On parle du retour de la consigne. Avec des niveaux plus avancés dans certaines régions.

On parle de distributeurs qui émergent ou d’acteurs établis qui diversifient leur catalogue.

On parle des grosses brasseries qui en rachètent des plus petites.

On parle des podcasts, des newsletters, des articles de presse.

On parle des centres de formations, des certifications professionnelles, du titre brasseur.

Et je pense que j’en oublie.

En bref

En 2022, on peut brasser ce qu’on veut, quand on veut, et appeler ça comme on veut.

Qu’on ait des connaissances poussées ou qu’on soit un-e parfait-e débutant.

Qu’on veuille faire une blonde basique ou une Imperial-Sour-Stout-Pistache tirée à l’azote.

Tout le monde, absolument tout le monde peut trouver sa place dans une brasserie.

La bière artisanale n’est plus une mode.

Elle est entrée dans les moeurs.

Supportée, mise en valeur et démocratisée par un écosystème de plus en plus riche.

Moi, ça me fait vibrer.

Et toi, t’en penses quoi ?