Aujourd’hui, suite à [cet article,  je t’explique un peu plus en profondeur pourquoi je me suis associé, pourquoi j’ai revendu mes parts, ce que j’en ai tiré et pourquoi je ne referai plus cette erreur.

1. Genèse

En 2018, j’investis 10 000€ pour posséder 20% du pub et 1% de la brasserie.

J’ai vu une opportunité.

De tester mon idée.

Car déjà, avant de bosser à Bordeaux, j’imaginais un lieu ou l’on consomme sur place la bière produite sur place.

En tant que brasseur, j’avais du mal à faire valoir ma voix sur la stratégie et les produits : je me sentais bloqué dans un rôle trop restreint à l’opérationnel. Je voulais plus.

L’occasion s’est présentée, je l’ai saisie.

Je me disais qu’enfin, j’allais avoir plus d’espace. Pour essayer des trucs.

Et apprendre avec des gens plus expérimentés qui moi.

2. La construction

J’ai vu comment on construit une brasserie de zéro.

Le bâtiment, les canalisations, l’élec, l’eau, le gaz.

Les plans, le pilotage des artisans, les erreurs, les travaux à refaire.

J’ai appris à démonter la salle de brassage pour la remonter dans un autre batiment.

J’ai brassé en plein chantier.

J’ai vu mon patron-associé passer des heures sur la conception des chiottes.

J’ai vu comment on monte un groupe froid, une ligne de tirage.

J’ai vu toutes les contraintes administratives à l’ouverture d’un bar, au niveau du bruit, des sorties de secours, des murs pare-feu, du bloc de sécurité où mettre le groupe froid.

Cette partie était la plus formatrice. Vivre de l’intérieur ces changements, ces erreurs, ces réussites, pour mieux nourrir les réflexions de mon futur projet.

3. Le lancement

Et enfin, en grandes pompes, l’ouverture. Aux professionnels d’abord, puis aux particuliers le lendemain.

 

On s’est fait défoncer. Et c’était génial.

 

Je suis plutôt introverti, j’aime être tranquille dans mon boulot, sans sollicitations constantes et intempestives.

 

Mais là, j’ai découvert que j’adorais les soirées derrière le bar à servir les clients.

 

Je me suis rendu compte que j’adore aider les gens à passer un bon moment. En étant souriant et avenant, en les écoutant, en leur posant les bonnes questions, en les guidant dans l’offre des bières.

 

J’adore ce contact humain, en direct, sans intermédiaire.

 

J’étais déjà convaincu que cet état d’esprit est nécessaire pour monter un brewpub, j’avais donc envie d’aller plus loin en appliquant cette vision à l’ensemble du projet.

 

Et c’est là où ça a merdé.

4. Les dissonnances

Première dissonnance : le management.

Je suis associé, mais pas salarié.

Je donne un coup de main au lancement, mais mon boulot c’est de brasser et conditionner de la bière.

On a donc embauché un salarié. Pour qu’il gère et développe le pub.

Mais avec un management toujours très présent. Trop à mon sens.

Ma logique est claire : les patrons pilotent l’entreprise avec une ligne directrice et des objectifs, en donnant à leurs employés les moyens de les réaliser.

Et ça passe par laisser les salariés faire leur boulot.

Seconde dissonnance : la communication.

En interne, tout était mélangé.

Les décisions étaient prises à la va-vite, entre discussions de couloirs ou dans le bureau, sans formaliser les objectifs, les moyens pour y arriver, ni les résultats :

–   qui fait quoi, quand et comment ?
–   comment faire pour que tout le monde ait la même information au bon moment ?
–   quel indicateur de performance / réussite suivre ?
–   combien de temps on se donne ?
–   quelles nouvelles bières développer ?

Troisième dissonance, majeure : l’alignement.

C’est plus d’un an après le lancement du pub que j’ai compris mon erreur.

J’avais pourtant toutes les cartes en main.

Ce que je voulais créer, la vision que j’avais, mes associés ne la partageaient pas.

Je le savais dès le début, mais j’ai choisi de me mettre des oeillères en espérant que ça change.

En me battant pour que ça change.

5. La séparation

Mais ça n’a pas changé.

Et je me suis crâmé à nager contre le courant.

Le burn-out.

Pendant mes 15 jours d’arrêt de travail, j’ai dormi et réfléchi : maintenant que je sais que ma vision n’est pas possible ici, qu’est-ce que je fais ?

J’avais trois choix :

–   continuer à me battre – et me crâmer à nouveau ;
–   abandonner le combat – et m’éteindre à petit feu ;
–   partir sur un nouveau challenge.

Les deux premiers étaient absolument impensables.

La question était donc : sur quel nouveau challenge partir ? Monter une brasserie ? Un brewpub ? Une cave ?

Je n’ai pas eu à réfléchir longtemps : une belle opportunité s’est présentée, de rentrer dans ma région natale avec un gros projet stimulant.

J’ai donc quitté la brasserie et revendu mes parts, pour clôturer ce beau chapitre de ma vie et en ouvrir un nouveau.

Conclusion

J’ai appris une leçon importante : pour lancer un projet, il faut absolument qu’il soit aligné à 100% avec ses valeurs.

L’inconvénient de cette expérience, c’est que je suis devenu extrêmement méfiant avec de potentiels associé-es.

L’avantage, c’est que j’ai appris à m’écouter. À me poser la question : “est-ce que j’ai vraiment envie de faire ça ?”

Aujourd’hui, quand on me propose un projet qui ne remplit pas toutes les cases, je dis non direct. Je ne me mens plus à moi-même, ni à mon interlocuteur.

C’est super dur à faire quand on a quinze passions par semaine.

Car, d’un côté, je veux garder cet esprit curieux qui me pousse : “allez, carrément !”.

Mais d’un autre, je veux aussi garder cette mesure qui me protège : “mec, tu sais très bien que c’est pas pour toi !”.

S’associer dans une entreprise, c’est un vrai engagement.

C’est un mariage, pas un flirt.