Un problème récurrent que j’ai observé dans certaines brasseries, c’est cette tendance à produire exclusivement pour soi. 

 

Je t’en ai déjà parlé, car je suis moi aussi tombé dans cet écueil.

 

On essaye de produire de nouvelles bières, mais elles ne se vendent pas. On trouve alors tout un tas d’explications : “les clients n’y connaissent rien”, “ils ne sont pas prêts pour ce type de bières”, “ils n’ont aucun goût”.

 

Je reste convaincu qu’il faut commercialiser des produits que l’on prend plaisir à concevoir, à brasser, à conditionner et à boire.

 

Mais, quand on en fait son métier, c’est une grosse erreur de s’arrêter là.

1. Les client-es, les client-es

La majorité d’entre nous se sont reconverti-es en brasserie par passion. On brasse nos bières dans notre cuisine, on découvre le pouvoir d’apporter du kiff à notre entourage. On veut donc passer à la vitesse supérieure et en faire notre métier.

 

Qu’on souhaite rejoindre une brasserie ou créer notre propre entité, la finalité est la même : le but d’une entreprise, c’est de faire de l’argent. Au moins suffisamment pour payer les fournisseurs, l’Etat, les salaires, les partenaires, la banque, etc…

 

Pour faire de l’argent, il faut vendre.

 

Et pour vendre, il faut donner envie à ton client d’acheter.

 

Je pensais qu’il suffisait que la bière soit bonne pour qu’elle se vende toute seule.

 

J’ai mis du temps à comprendre qu’il faut, dès le départ, s’intéresser aux clients.

 

À ce qu’ils aiment,

 

À leurs habitudes.

2. Si Henry Ford était brasseur

Quand je suis arrivé à Brest, je ne connaissais pas le marché. J’avais quitté la région depuis trop longtemps pour connaître les mœurs brassicoles locales. 

 

Mais j’avais appris de mes erreurs à Bordeaux.

 

On a donc posté un sondage auprès des communautés Facebook et Instagram pour les intégrer dans la création d’une nouvelle bière.

 

L’idée me paraissait vachement intéressante, parce qu’on associait les consommateurs à la toute racine du projet.

 

Encore une erreur.

 

J’ai été super déçu des réponses :

  • “une blonde”
  • “une IPA”
  • “une ambrée”

Après coup, j’ai compris qu’on réfléchit selon les repères qu’on connait

 

C’était donc complètement con de ma part de leur demander de proposer des bières dont ils ne connaissaient pas l’existence !

 

On attribue souvent à Henry Ford la citation suivante : “Si j’avais demandé aux gens ce qu’ils voulaient, ils m’auraient répondu des chevaux plus rapides”

 

Qu’il ait réellement dit ça ou non, le message véhiculé est clair : ne demande pas aux gens ce qu’ils veulent, mais intéresse-toi à eux en profondeur, observe-les.

 

Pour les observer, il faut leur faire goûter.

 

Et prendre un risque : produire plein de bières différentes.

3. Ratisser large

On a donc décidé de tester le marché. 

 

De l’acidité à l’amertume, d’une bombe qui tabasse à un truc léger et subtil, des arômes classiques aux mariages exotiques.

 

Direct en 25 hl.

 

Sans filet.

 

Bref, on a ratissé large. En moins d’un an.

 

Les objectifs étaient simples :

  • comprendre le marché très rapidement
  • améliorer notre savoir-faire en sortant de notre zone de confort
  • pousser notre process et l’améliorer

Et ça, ça fonctionne !

 

Désormais, on connait notre marché, on sait ce que les consommateurs aiment.

 

Pas parce qu’ils nous l’ont dit, 

 

Mais bien parce qu’ils achètent les bières, régulièrement.

4. Assurer un back-up stratégique

Malheureusement, on sait aussi ce que nos client-es aiment moins, puisque certaines références se sont bien moins vendues.

 

C’est le risque de ratisser aussi large.

 

Se retrouver avec des palettes sur les bras, à se demander : on va en faire quoi ?

 

C’est là qu’intervient le dernier élément stratégique : le pack découverte. 

 

On a créé un pack 6×33 cl, dont le contenu change selon les éphémères du moment : on y met certaines bières qui se vendent moins bien à l’unité, tout comme des best-sellerss.

 

L’intérêt est multiple : 

  • fidéliser les client-es déjà convaincu-es en leur faisant découvrir de nouvelles saveurs ;
  • faciliter l’achat des client-es indéci-es en éliminant l’étape de “quelle bière choisir ?” : le choix est déjà fait ;
  • faciliter la gestion des stocks en écoulant les produits moins classiques

Cette méthode fonctionne très bien, et si je devais lancer ma brasserie demain, je la suivrais à la lettre.

 

 

Et toi, quelle serait ta stratégie pour tester ton marché ?