Salut, c’est Sébastien,

 

Comprendre son marché est la clé.

 

Tout le monde le sait.

 

Mais tout le monde ne sait pas comment procéder.

 

On essaye 50 références en même temps, on se disperse, on se fatigue, on perd le plaisir.

 

Ou bien on reste en sécurité avec le classique blanche-blonde-ambrée en laissant l’innovation, le challenge et le plaisir aux autres.

 

Si tu ne les as pas lu, je t’invite d’abord par jeter un oeil aux articles suivants :

Car sur la route, j’ai appris quelques trucs qui peuvent t’être utile.

 

Aujourd’hui je te raconte l’approche que j’ai suivie en 2020-2022 pour comprendre les attentes de mon marché et orienter la stratégie de la brasserie.

 

1. Forces et faiblesses

La première étape est d’analyser la situation.

Si tu lances ta brasserie, ça correspond partiellement à l’étude de marché et la proposition de valeur que tu développes pour y répondre.

Dans mon cas, je rejoignais une entreprise existante.

Une brasserie historique (1999) à l’image vieillissante mais ancrée localement.

Rapidement, j’ai identifié les forces en présence :

  • Une capacité de cuverie bien supérieure à la production réelle : on peut produire plein de nouveautés sans risquer de pénaliser les autres marques de la brasserie.
  • La qualité du matériel et le confort de travail : salle de brassage 25 hl récente + groupe froid surdimensionné + embouteilleuse iso récente.
  • Des expériences complémentaires : mon approche disruptive soutenue par deux expériences solides (presque 60 ans à eux deux !) et une équipe engagée.
  • Un circuit de distribution intégré : quatre caves propres à l’entreprise => vente en directe, meilleures marges, retours rapides des client-es.
  • Des fonds importants : l’entreprise dont font partie la brasserie et les caves possède d’autres activités rentables qui permettent de financer de nouveaux développements.

Une fois la situation bien comprise, il était temps d’entrer en action.

2. Progressif

L’erreur aurait été d’y aller comme un gros bourrin dès le début.

Avant de tout péter, j’avais besoin de faire mes preuves et d’emmener progressivement l’équipe vers les nouveautés.

  • Pale Ale sèche => contraste avec la gamme actuelle, plutôt portée sur la céréale.
  • Bitter infusée au Wakame => pour jouer sur le côté mer (la brasserie est située à 4 km de la plage).
  • Ambrée fumée => pour apporter un boost surprenant tout en rappelant des saveurs du terroir local (l’andouille de Guéméné ou la saucisse de Molène).
  • Triple => pour tester un versement important et charger en malts caramels.
  • Kveik IPA => charger en amertume, techniques de houblonnage modernes (hop stand, dip-hopping, dry-hopping), fermentation à 38°C, houblon canadien aux arômes poivrés (Triple Pearl).
  • Stout Dulse => intégrer cette algue rouge récoltée sur l’estran pour la marier avec une palette maltée complexe.
  • Sour fruitée =>  bloquer la salle de brassage pendant 2 jours, le temps que les lacto acidifient le moût. Les fruits sont ajoutés en fermenteur quand l’activité des levures commence à diminuer.

L’idée était donc de sortir une nouvelle bière par mois, en augmentant progressivement la difficulté pour sortir progressivement du status-quo historique et évaluer les nouvelles demandes des consommateurs.

3. Indicateurs

Nous suivions quatre indicateurs :

 

  • Chiffre d’affaires : le plus important sur le court terme. Quelles sont les bières qui se vendent le mieux ? Et celles qui font choux blanc ?
  • Retours des clients directs (caves, Untappd) : le plus important pour sonder les réactions des gens : un CA rassure, mais ne donne aucune indication sur l’émotion transmise.
  • Retours du personnel de l’entreprise : pour écouter ceux qu’ont n’écoute pas, les gens qui ne consomment pas de bière. Amertume, alcool, blocages psychologies : tous ces leviers peuvent devenir de nouveaux objectifs de création.
  • Retours entourages proches : même si c’est biaisé, ça fait du bien d’avoir le soutien de sa famille et de ses amis.

Ces indicateurs passent ensuite à la moulinette : faire le point est indispensable pour orienter sa stratégie.

 

4. Analyse

Si certains résultats étaient prévisibles, j’ai également été très surpris !

 

  • La Pale Ale, la triple et Kveik IPA ont décollé tout de suite. Je m’y attendais, mais ces résultats rapide ont séduit l’équipe et m’ont permis de gagner leur confiance.
  • La Bitter et l’Ambrée fumée ont reçu un accueil très tranché : soit on aime, soit on déteste. Je ne m’attendais pas à des réactions aussi vives, mais on ne plait à personne si on cherche à plaire à tout le monde.
  • Stout Dulse : si on aime les bières noires, on l’adore. Par contre, si on a du mal avec le torréfié, on reste sur ses positions. On aime aussi qu’il y ait de l’algue locale. Une très belle surprise.
  • Sour fruitée : j’étais persuadé qu’elle allait marcher, mais les retours m’ont donné tort : “trop acide”, “ça ressemble pas à une bière”, “je m’attendais à un truc sucré”.

Cette première salve de goût nous a permis d’identifier notre marché :

 

Des buveurs d’IPA et de trucs qui tabassent ; attachés à leur territoire ; demandeurs de nouveautés régulières mais pas trop exotiques.

 

En moins d’un an, on a développé le CA de la brasserie tout en identifiant les grandes lignes de notre clientèle-cible.

 

Et toute cet connaissance nous a permis d’orienter la stratégie 2021, pour tester notre marché sur de nouveaux projets : les canettes, les collabs et le sans alcool.

Conclusion

Quand on veut faire vivre sa brasserie, comprendre son marché est la clé.

 

Mais ça peut vite tourner au cauchemard.

 

Les magazines, les études de marché complexe et les statistiques et les réseaux sociaux nous donnent des idées.

 

Qui sont toujours en décalage avec la réalité.

 

Car ce sont des estimations.

 

Des tendances.

 

Qui ne reflètent pas les particularités locales.

 

Si tu lances ta brasserie et que tu cherches à positionner ton offre sans courir partout, voici mes conseils.

 

  1. Focalise sur trois produits : une Pale Ale, une IPA, une triple ;
  2. Sors une nouveauté par moi en expérimentant ;
  3. Augmente ta gamme progressivement avec les styles qui fonctionnent sur ton marché.

Et c’est tout.

 

Brasser correctement de la bière, la vendre et piloter sa boite, c’est déjà suffisamment de boulot.

 

Ne te disperse pas en lançant 50 produits en même temps.

 

Ne te crâme pas dès le début.

 

Vas-y tranquille.

 

L’important c’est que tes produits soient propres.

 

L’important c’est que tu sois encore là dans 10 ans.

 

Non ?

 

Bonne semaine à toi, à vendredi,

 

Sébastien