Me reconvertir en brasseur pro a été un long chemin.
Un long chemin interne.
Si l’idée d’en faire mon métier a germé en juin 2014, je n’ai mis le projet à exécution qu’en juin 2016.
Je pourrais me voiler à la face en disant que j’ai pris mon temps pour bien faire les choses, mais c’est faux.
Je m’ennuyais déjà bien profond à mon boulot, je tournais en rond à me chercher des projets à créer.
D’un autre côté, j’expérimentais dans ma cuisine, je faisais des bières pour mes potes, ça me plaisait et je voyais que les gens étaient franchement contents.
Le terreau était fertile.
Mais j’avais peur.
Je me faisais une montagne d’un truc que je n’arrivais pas à évaluer objectivement.
Par peur du jugement.
Par peur du rejet.
Par peur de l’échec.
Par peur de l’inconnu.
Comme beaucoup d’autres.
Parce qu’on est des êtres humains.
On a besoin de faire partie d’un clan, d’une tribu.
Professionnellement, on appartient déjà à un groupe : l’entreprise et le milieu professionnel dans lequel on évolue.
Se reconvertir, c’est changer d’entreprise, mais surtout de groupe social, de codes sociaux, de repères sociaux.
Comme un membre d’une tribu qui décide de la quitter.
Et dans notre cerveau reptilien, quitter un groupe auquel on appartient, c’est la mort assurée.
Alors on se voile la face.
On se dit qu’on n’est pas encore prêt.
On se raccroche à sa tribu. “J’ai eu une augmentation”. “On m’a donné un nouveau projet”. “J’ai un nouveau chef, on va bien voir”.
On écoute les mauvaises personnes. “Tu vas quand même pas quitter ton CDI ?”. “T’as pensé aux enfants ?”. “Je t’ai pas payé des études pour rien !”. “A ton âge, sérieux ?”.
On trouve des points bloquants. “Faut d’abord que je maîtrise ma nouvelle cuve”. “Attends, faut que j’essaye ce houblon”. “Mais j’y connais rien, je fais ça dans ma cuisine”. “J’ai pas encore lu ce bouquin !”.
Alors même qu’on sent que c’est mauvais pour notre bien-être.
Alors même qu’on est abreuvé de signes positifs. “Elle était trop bonne ta dernière binche !”. “Tu peux faire une bière pour mon mariage ?”. “Je te vois trop bosser dans une brasserie !”
À vouloir réussir parfaitement, on ne fait rien.
À multiplier les lectures avant d’essayer de brasser, on n’avance finalement pas.
À multiplier les essais sur 20 litres avant de se lancer et sortir LA bière sur 10 hl, on n’avance finalement pas.
On reste sur place.
Et tout le monde est perdant : toi, les clients, ton entreprise, les autres brasseur-se-s et l’écosystème en général.
Ces putains de freins psychologiques sont une vraie plaie.
Pour arriver à avancer malgré ces peurs tenaces, il faut mettre en place une méthodologie.
Quelle que soit l’étape où tu te situes dans ta reconversion.
Que ce soit une idée lointaine, un projet en construction ou une réalité bien palpable.
Et ça commence par une étape désagréable.
Mais essentielle.
Un travail d’introspection.
Faire le point sur qui tu es, ta personnalité, tes valeurs, tes forces, tes faiblesses.
Faire le point sur ta situation, ton niveau de bonheur, ce qui te fais kiffer, les personnes qui te soutiennent.
Faire le point sur ce que tu veux améliorer dans ta vie. Où tu veux aller.
Faire le point sur “pourquoi la bière artisanale ?”, qu’est ce qui t’attire dans ce milieu.
Faire le point sur le type de métier que tu vises : en production, en vente, en cave ? Chef-fe d’entreprise, salarié-e ?
Ensuite seulement, tu peux faire le point sur tes connaissances brassicoles.
Ensuite seulement, tu peux te demander : “sont-elles suffisantes pour mon projet ?”
Ensuite seulement, tu peux chercher où te former.
Se reconvertir en brasserie, c’est un pas de géant, qui nécessite de neutraliser des freins psychologiques puissants.
La bonne nouvelle, c’est qu’on peut avancer malgré ces putains de peurs blocantes.
Si tu veux changer de métier, fonce !
Car ce dont on a besoin aujourd’hui, c’est de ta personnalité et de ton univers.