Salut, c’est Sébastien,

 

Je me suis rendu compte que le process de production professionnelle d’une bière est toujours aussi mal compris.

 

Beaucoup de gens font l’erreur de croire qu’il s’agit simplement de reproduire à grande échelle ce qu’on fait dans sa cuisine.

 

Ça n’est pas le cas.

 

Car on ne peut jamais anticiper les ventes.

 

Alors j’ai vu beaucoup de gérants, brasseurs, commerciaux ou livreurs courir dans tous les sens pour rattraper le temps perdu par cette méconnaissance.

 

Ça crée une ambiance pesante, ça conduit à des erreurs, des blessures et des morals cassés.

 

Alors comment faire pour gérer son énergie et ne pas se crâmer quand on ne peut pas prévoir l’avenir ?

 

On peut s’y préparer.

 

En comprenant ce qu’il se passe dans la brasserie, en identifiant les leviers et en communicant.

 

1. Comprendre

Le premier truc à bien comprendre, c’est qu’il faut du temps pour produire une bière.

 

Et certains délais sont incompressibles.

 

Quand j’étais simple brasseur, j’ai régulièrement dû mettre en fûts des bières qui avaient à peine deux jours de garde. Je prévenais que c’était vraiment trop tôt et que je ne pouvais pas garantir la qualité du produit.

 

On me disait d’envoyer quand même.

 

Et à chaque fois, on recevait des retours négatifs sur l’aspect trouble ou la difficulté de tirage chez les clients.

 

Alors quand j’ai pris la tête de la brasserie à Brest, j’étais intransigeant sur les délais.

 

Peu importe que tel ou tel client commande une palette pour le lendemain demain. Il l’aura quand le produit sera prêt à être envoyé, pas avant.

 

Au départ, les commerciaux acceptaient mal d’être mis au pied du mur. Ils me voyaient comme un tortionnaire obtus.

 

Puis quand ils ont pris conscience des conséquences qu’une bière non terminée pouvait avoir sur eux et leurs clients, les choses sont rentrées dans l’ordre.

 

2. Temps masqué

Produire de la bière, ce n’est pas juste mélanger des céréales, brancher des tuyaux et allumer des pompes.

 

Avant même de produire de la bière, il faut :

  • vérifier les stocks en produits finis ;
  • plannifier les rotations de cuves ;
  • vérifier les stocks en matières premières ;
  • les commander ;
  • valider les bons à tirer ;
  • suivre les commandes ;
  • réceptionner les matières premières ;
  • les ranger.

Ensuite, on doit :

  • saisir les données de prod dans son erp ;
  • déclarer les volumes aux douanes ;

On a aussi besoin de préparer son brassin ou sa mise (matières premières, feuille de brassage, branchement des tuyaux, mise en chauffe).

 

Puis pendant qu’on ne brasse pas, on s’occupe du cuvier (densités, purges, pH), du dry-hop ou des ajouts en fermenteurs, et de l’entretien des machines.

 

Et enfin, évidemment, on passe un temps fou à nettoyer.

 

Et ça, c’est sans compter les moments de réflexion, de discussions ou de lectures pour développer de nouveaux produits !

3. Les leviers pour gagner du temps

Heureusement, il existe plein de moyens de gagner du temps.

 

D’abord, avec le matériel :

 

  • on peut passer en iso et s’affranchir de l’étape de refermentation. Ça nécessite des investissements très lourds en conditionnement et sa maîtrise est plus complexe qu’en atmosphérique.
  • on peut aussi brasser moins souvent mais en plus grosses quantités (10 hl plutôt que 5 par exemple).

Ensuite, on peut jouer sur le process :

 

  • étiqueter, sécher les bouteilles et les mettre en cartons en une seule étape, dès le soutirage. On gagne un temps fou à ne manipuler qu’une seule fois les bouteilles, tout en préservant son dos.
  • optimiser le process : produire plus que la capacité théorique, en remplissant les fermenteurs au maximum.
  • optimiser le process : limiter les pertes, en travaillant proprement sans se stresser.

Enfin, on peut limiter l’intervention humaine :

 

  • planifier sa prod 3 mois à l’avance.
  • standardiser ses commandes (une fois par mois à une fois par an, selon le type de produit).
  • mettre en place des procédures, pour éviter les erreurs humaines.
  • mettre en place et suivre les indicateurs de sa prod et de ses ventes, pour arrêter de passer 1 h par jour à réfléchir à sa stratégie.

4. Communiquer et s'améliorer

Dire non à un client est la chose qu’on veut éviter.

 

Mais c’est parfois indispensable, le plus important est de le faire correctement.

 

En communicant.

 

C’est la partie primordiale dans une brasserie : garder le lien entre les membres. Que chacun comprenne les besoins et les contraintes des autres, tout en pouvant exprimer les siens.

 

Et ça passe d’abord par la formation.

 

Car mieux un commercial connait le fonctionnement de la brasserie, mieux il peut anticiper les ruptures et raconter la bonne histoire pour garder son client et continuer à s’éclater dans son boulot.

 

À Brest, je formais chaque nouvel arrivant sur le fonctionnement de la brasserie.

 

Ça me permettait d’être à jour sur les besoins des cavistes et des commerciaux. Ca leur permettait de comprendre les coulisses de la production et les contraintes auxquelles on fait face.

 

Puis chaque année, je faisais le point sur les volumes de l’année précédente.

 

J’analysais les ventes.

 

Pour m’améliorer.

 

Quels sont les 20% des clients qui font 80% du CA ?
Comment optimiser le temps qu’on passe sur eux ?
Comment développer les autres clients ?

Conclusion

Le marché de la bière est très intense car très saisonnier et météo-dépendant.

 

Il suffit d’un coup de soleil un 20 février pour que les commandes de fûts explosent, ou d’une grosse commande partie en mars pour se retrouver à courir le reste de la saison.

 

C’est un environnement très stressant si on s’y prend mal.

 

Mais être à fond, tout le temps, ce n’est pas viable.

 

Alors, rappelons-nous bien des points importants :

 

Anticiper
Communiquer
Savoir dire non
Apprendre de ses erreurs

 

Et tout ira bien.

 

Bonne semaine à toi, à vendredi

 

Sébastien