En brasserie, comme dans la vraie vie, il y a deux types de personnalités : les bourrins et les malins.
On a évidemment en nous chacun de ces deux aspects, dans des proportions plus ou moins variables.
Et si on comprend bien que la recette idéale se trouve dans leur équilibre subtil, savoir jouer sur les deux tableaux me semble primordial.
Une partie de ma personnalité adore analyser les choses et chercher des solutions simples et efficaces.
Ça me vient notamment du patron de la carrière dans laquelle j’ai travaillé un été de 2008. Je tapais comme un bourrin pour essayer de déloger un morceau de caillou bloqué dans une machine ; il m’a arrêté et m’a montré deux-trois mouvements simples et beaucoup plus efficaces.
Avec un sourire malicieux, caché derrière sa moustache, il ajoute calmement : “tu vois, un bon artisan est un artisan fainéant“.
J’ai malheureusement bien oublié cet adage à Bordeaux, où j’ai appris à travailler dans l’urgence constante. Et à bourriner.
Cela semblait m’aller, car une autre partie de ma personnalité adore gérer plusieurs choses en parallèle.
Bourriner semble une manière efficace d’avancer.
Mais très fatiguante, avec ce burn-out à la clé.
Donc pas très malin sur le long terme.
À Brest, j’ai découvert une manière de travailler beaucoup plus adaptée à mon caractère : on prend son temps, on a des habitudes précises, et on échange beaucoup.
Je ne brasse plus, j’enfute toujours de temps en temps, mais je ne sais pas faire tourner la salle de brassage de 25 hl.
Par contre, le brasseur, lui il sait. Et il est bon.
Les conditionneurs aussi sont bons dans leurs domaines. Bien plus que moi.
Le vrai challenge, c’est de créer une synergie d’équipe ou chaque personne est importante dans un domaine précis.
Et mon rôle, c’est d’organiser cet écosystème autour de trois branches :
Le bourrinage est inefficace dans la gestion humaine.
Ce qui marche, c’est d’être malin en jouant sur les forces de chacun.
Et pourtant, bourriner est indispensable pour casser les habitudes et forcer à sortir de sa zone de confort.
En 2020-2021, on a bourriné pour péter l’ordre établi :
Dans ce cas particulier, la méthode douce ne fonctionne pas.
Etre malin ne suffit plus, il faut envoyer un gros coup de pied dans la fourmilière.
Bourriner pour changer la direction et empêcher les peurs paralysantes de prendre le dessus.
Comme toujours, c’est une question de curseur : où le placer entre les deux extrêmes ?
Etre malin en bourrinant.
Dès que j’ai besoin d’organiser les choses complexes, j’essaye d’être malin.
Dès que j’ai besoin de tester une idée inconnue qui fait peur, j’essaye d’être bourrin.
Et dans la majorité des cas, je joue entre les deux.
Et plus j’essaye de choses, plus je prends de l’expérience, et mieux je place le curseur.
Lorsqu’on a proposé ce plan en 2020-2021, les peurs étaient nombreuses :
Maintenant qu’on a montré que c’était possible, la réaction de l’équipe est surprenante : “on la fait quand la prochaine éphémère” ?
Il n’y a plus besoin de bourriner, c’est devenu normal.
On peut, désormais, re-placer le curseur pour avancer.
Et toi, tu es plutôt bourrin-e ou malin-e ?